Arrivée au bureau, l’univers de moquette m’envahit. Tout est feutré. La musique des souris d’ordinateur, les sonneries de téléphone tamisées, les néons diffusés, les plantes vertes identiques, tout est fait pour être oublié. Je me concentre sur ma personnalité d’entreprise, je prends ce demi-sourire qui m’est familier, je salue. J’entre dans mon bureau et je laisse tomber le masque. Je déverrouille mon téléphone, ici il me reconnaît. Pas de messages. Je regarde quelques photos sur les réseaux sociaux en m’installant. Je fais le vide. Il me manque quelque chose. Je prends conscience que c’est mon café, que je fais habituellement tout de suite en entrant sans même y réfléchir. Je possède cette petite machine Nespresso qui trône sur un guéridon dans le coin droit de la pièce; elle m’a été offerte pour ma promotion au poste de cadre. C’est un meuble trophée, le tiroir ne contient rien, il habille juste l’espace. Dans le coin gauche, un cadre présentant une peinture abstraite qui ne m’évoque rien et ainsi n’entrave jamais ma concentration. Les autres coins, derrière moi, remplissent leur devoir géométrique. Je n’ai besoin de rien, à part d’un peu de caféine pour mes neurones fatigués, et d’un ordinateur portable posé sur une surface plane. Le bureau est devenu mon espace de paix depuis que ma maison n’est plus que le havre des colères et des décisions difficiles.